L'inquiétude des apprenants dans le processus d'apprentissage.

worry-doll-g14192de9b_1920 Image de Alexa de Pixabay

L'inquiétude de ne pas réussir à assimiler, la peur de ne pas réussir à tout comprendre, l'angoisse de ne pas réussir à trouver les bons mots ou encore l'idée reçue qu'étant adulte, “rien ne rentre” dans la tête : voilà bien des sujets qui reviennent régulièrement lors de nos actions de formation et auxquels nous prêtons une attention particulière en vue de lever autant que possible les freins à l'apprentissage.

Dans cet article, nous allons partager avec vous quelques astuces que nous mettons en avant pour accompagner nos apprenants.

 

Dans un territoire aussi petit que Mayotte, bien souvent ces inquiétudes liées aux difficultés d'apprentissage vont de pair avec des inquiétudes linguistiques. Quand les langues locales - le shimaore et le kibushi - se côtoient à  la langue nationale le français, pas facile de s'y retrouver surtout quand les similitudes et les différences linguistiques s'entremêlent.

- Est-ce que  je me suis exprimé(e) clairement en français ?
- J'accorde au féminin ou je le laisse au masculin avec tel ou tel mot?
- Ah j'aimerais tant donner mon avis. Mais je me rappelle que les fois où je me suis lancé(e) et que je n'ai pas réussi(e) à trouver mes mots en français, il y a eu des blancs car je réfléchissais en même temps. Du coup, j'ai peur de me sentir mal à l'aise; raison pour laquelle je ne veux pas prendre le risque de m'exprimer en français en public.

Autant de réflexions et questionnements qui amènent bien souvent les stagiaires à douter de leur capacité, pire encore à se qualifier de “mauvais”. 

Nous en avons fait notre cheval de bataille : travailler sur la levée ou l'atténuation de ces barrières “psychologiques” en vue de mettre en confiance autant que possible nos apprenants dans leur processus d'apprentissage.
 

Ci-dessous quelques exemples de procédés que nous mettons en oeuvre: 

  • L'inversement de la perception de cette “barrière de la langue” par la perception d'un atout linguistique :  

    L'utilisation de deux ou plusieurs langues représentent bien entendu un atout d'autant que les structures grammaticales entre le français et les langues locales sont différentes. Passer d'une langue à une autre,  très régulièrement dans une journée, relève de la gymnastique cérébrale. 

    Il s'agit ici de faire prendre conscience aux apprenants de leur maîtrise d'une ou de deux langues locales combinées à une amélioration continue de la langue française. L'idée étant de multiplier autant que possible ces occasions de passer d'une langue à une autre, comme mode d'apprentissage et de dépasser le sentiment de complexe sur les fautes d'accord ou  blancs provoqués lors de recherche de mots. Pourquoi pas tout bonnement expliquer à son interlocuteur qu'en cas de blancs ou hésitations, qu'il est question d'essayer pour s'améliorer.
     
  • La détention d'un petit carnet, un aide-mémoire physique ou numérique pour maintenir la stimulation : 

    Entendre un mot ou une expression inconnu(e) ou mal maîtrisé(e) par ci, par par là et avoir le réflexe de demander le sens et de le noter. Certains ont plus de facilité que d'autres à demander directement à l'interlocuteur d'en expliquer le sens.  

    Après avoir noté le(s) mot(s) et expression(s) inconnu(s) à mesure de les entendre , l'idée est d'y revenir ultérieurement pour aller chercher le sens par soi-même - en toute discrétion pour ceux qui ne sont pas à l'aise de demander à l'interlocuteur - et à  fixer ce qui a été compris et appris. Nous expliquons à nos stagiaires que l'enrichissement du vocabulaire participe à lever les freins linguistiques et favorise la confiance en soi.
     
  • La lecture comme challenge personnel pour ceux qui aiment ‘la gagne’:

    La lecture représente parfois une corvée pour ceux qui s'y croient incapables (public sachant lire et écrire, en situation d'illettrisme ou non). 
    Bien souvent, il en ressort : Je n'ai pas le temps ; Je n'ai pas l'habitude ; C'est une tâche scolaire ; Ça va m'ennuyer ; Je lis déjà quand je suis sur les réseaux sociaux.

    L'idée est de dissocier l' image de 'corvée’ que peut revêtir la lecture et l'associer à un moment de détente et de challenge personnel.
    Pour cela, nous demandons aux stagiaires de réfléchir sur les thématiques qui les passionnent ou représentent un intérêt pour eux.
    Une fois que chacun a trouvé un sujet de prédilection et un genre de lecture (essai, article de presse, nouvelle, etc), le challenge peut commencer : substituer 5 à 10 minutes de son passe-temps jugé “inutile” par l'apprenant lui-même contre 5 à 10 minutes de lectures diverses (hors publications de posts d'individus sur réseaux sociaux) une fois par semaine. Puis vient le debriefing au sein du petit groupe participant. 
    Ensuite, fixation du même objectif  mais cette fois-ci sur un créneau de 2 fois par semaine. Le petit groupe veille lui-même au respect de l'engagement individuel face à l'objectif du groupe participant. Libre au groupe d'augmenter ou de maintenir la cadence, à condition de se mettre d'accord collectivement.  Le principe du debriefing après une semaine reste inchangé, une façon de faire des points d'étape et de favoriser l'engagement au sein du groupe.
     
  • Le retour d'expérience du formateur dans son propre processus d'apprentissage :

    Identifier les points clés dans un processus d'apprentissage n'est pas toujours facile pour les apprenants.
    Nous avons pris l'habitude d'analyser nos propres cas et partager nos retours d'expérience avec nos apprenants. Leur exposer nos réussites mais aussi et surtout nos difficultés ainsi que les étapes parcourues pour parvenir à progresser est une façon de les faire se sentir concerner,  d'apprécier un cas concret et ancrer l'idée que l'apprentissage continue augmente les possibilités d'évolution personnelle et professionnelle.

    Nous les invitons à leur tour à faire ce travail d'identification des points clés dans leur propre parcours d'apprentissage pour leur propre référence.
     
  • L'incontournable “tour de table” :

    Relater en synthèse ou de manière méthodique, ce qui a été vu à la séance précédente sur la base de quelques petites règles contraignantes.  
    - Pas plus de 2 minutes par participant;
    - Interdiction de dire “je passe mon tour”; “j'ai oublié"; “je ne sais pas” ou encore "j'ai la tête dure”.
    - Possibilité de “bricoler” mais en utilisant les mots adéquats comme “je pense...”, j'ai l'impression…"

    Le fait d'installer ces règles du jeu - finalement au service d'une valorisation de soi et une diminution de l'auto-flagellation - permet de faire participer l'ensemble du groupe. Outre le fait que cela favorise la cohésion du groupe, il réduit chaque fois un peu plus toutes ces questions de blocages, ces “court-circuits” qui empêchent nos apprenants d'oser et de s'affirmer. 

    Toutes ces petites astuces utilisées en formation pour certaines et en dehors des animations pour les autres, bien qu'elles demandent du temps et de la rigueur, finissent par produire les résultats escomptés. Quoi de plus satisfaisant pour le formateur que de constater cette petite touche de valeur ajoutée apportée à ses apprenants? 

    M. Abdou